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Pour cette troisième comparution à l’iGS, j’ai également retrouvé des documents
d’époque : copie de mon rapport, coupures de presse, photos, note datée des suites
judiciaires. Les faits d’abord. Au début de l’année 1977, les maîtres auxiliaires avaient formé un collectif
national pour défendre leur situation professionnelle et ils avaient de fréquents différends
avec leur employeur : le ministère de l’Education Nationale, rue de Grenelle, voisin du commissariat central du 7e arrondissement. Le 25 mai 1977, ils étaient
entrés à l’intérieur du ministère et en avaient été expulsés par la 62e compagnie d’intervention
requise par le ministre Haby. Je n’ai pas assisté à cette opération, mais j’en avais eu des informations précises
et je savais qu’il pouvait se reproduire des événements semblables, les manifestants
ayant clairement indiqué leurs intentions de revenir au ministère. Le 9 juin, ce fut le cas. et cette fois, la 61e compagnie, la mienne, était de première
intervention. Les maîtres auxiliaires avaient pénétré, par petits groupes, prétextant
des rendez-vous et s’étaient regroupés dans le hall du ministère. Après de
longues palabres infructueuses, le ministre Haby avait demandé la présence de la
police. Les vigiles avaient fermé les portes, laissant sortir mais refusant l’entrée, ce
qui occasionnait des groupes compacts et déterminés dans les rues de Grenelle et Bellechasse
qui bloquaient la circulation dans tout le quartier. J’avais été chargé par le
commissaire du 7e de faire dégager les abords du ministère. Je disposais de trois
groupes de vingt-cinq hommes. Un groupe resté en réserve au poste central, avec les
deux autres, je dégageai péniblement, très péniblement les deux rues, tentant de
regrouper tout le monde rue Las-Case où la circulation est peu intense. Je dis péniblement parce que les manifestants résistaient et surtout injuriaient
le service d’ordre en termes méprisants et provocateurs. Pendant deux heures, nous
dûmes subir injures, sarcasmes et même grossiéretés et je commençais à craindrequ’un de mes hommes, pourtant aguerris à ce genre de situation, ne perde son sangfroid. Vint le moment où une décision devait être prise. Le ministre ayant demandé
l’expulsion, mon patron me chargea de l’évacuation du hall. Mes deux groupes étant
immobilisés à maintenir les maîtres rue Las-Case, j’utilisais ma réserve. il aurait
d’ailleurs été très imprudent de faire une opération qui s’annonçait délicate avec des
hommes énervés par deux heures d’injures et humainement désireux d’en découdre
avec leurs adversaires qui n’attendaient que ça ; ils avaient une revanche à prendre
sur leur échec du 25 mai. Les hommes de réserve, maintenus au poste central
n’avaient aucune raison de riposte, les risques étaient donc limités. Par une issue intérieure, nous entrons dans une petite cour du bâtiment ministériel,
où j’ai le temps d’informer mon personnel, de rappeler les consignes d’intervention
et d’attirer l’attention sur la volonté évidente de nos adversaires, décidés à
provoquer des incidents spectaculaires. Et nous faisons notre entrée dans le vestibule. Un tollé nous accueille. Le commissaire
fait les sommations légales, se fait bousculer… nous intervenons. on les
pousse vers la sortie, ils résistent, se cramponnent les uns aux autres. Pas de violences
dans les deux camps, seulement poussées et bousculades. Tout devrait donc se terminer
convenablement, ce qui ne faisait pas l’affaire de messieurs Casabona et Castaing,
animateurs des maîtres auxiliaires qui voyaient leur projet de revanche sur leur
revers du 25 mai s’évanouir. Lorsque tous furent dehors, Frédéric C... s’élança dans les “jambes du gardien
Baco, au-dessus des genoux pour le faire tomber et s’apprêtait à le frapper au visage
d’un coup de poing. Baco n’a pas attendu pour riposter et s’est défendu avec son
bâton caoutchouc”. Ce sont à peu près les termes du rapport de Baco dont j’ai
retrouvé une copie dans mes archives. Je suis intervenu pour éviter une aggravation et c’est à ce moment que Frédéric C...
s’est écroulé sur le trottoir et a simulé une perte de connaissance. Ici, je recopie un extrait de mon rapport du 9 juin : « Les manifestants expulsés
sur le trottoir ont protesté contre notre action et nous ont injuriés. ils ont
accusé tour à tour le brigadier Besancenot, le gardien Bouffart et moi-même
d’être les auteurs des violences contre Frédéric C... . J’ai noté les réflections du
genre : « Toi, le vieux con, tu as appris en fin de carrière à frapper les gens à
terre… ordure ! » « Je t’ai vu, c’est toi qui a matraqué, c’est comme dans “Z”
(répété trois ou quatre fois). Tu savais que c’était Frédéric C... , c’est pourquoi tu
as ordonné à tes hommes de le tuer. » Je le savais tellement que j’ai laissé un blanc
sur mon rapport pour y inscrire son nom lorsqu’il me sera communiqué. Pendant que la police-secours locale prend des dispositions pour transporter le
“blessé” à Laennec, au moyen de l’ambulance des pompiers de Champerret afin
d’éviter tout démêlé ultérieur, je repousse les expulsés de la salle du ministère. Plus
tard, il sera reproché aux secouristes d’avoir laissé vingt-cinq minutes, sans soins, sur
le trottoir, le blessé. Ce qui permettra à Frédéric C... de “saisir la justice pour non assistance
à personne en danger”, oubliant que le retard en question était dû à l’impossibilité
d’approche des ambulances dans les rues encombrées par ses amis manifestants. Rue de Bellechasse, il s’agissait de reconduire mes expulsés jusqu’à la rue Las-Case rejoindre leurs amis du début de mon intervention, avec les mêmes résistances. C’est alors que je reçois une aide aussi inattendue qu’insolite. Un certain C..., animateur de la soirée, comme son collègue Frédéric C..., m’entreprend au sujet de l’opération de vidage… et tout le monde suit pour écouter l’échange de propos aigre-doux des deux “leaders” qui s’engueulent. Le photographe Avril, de L’Aurore nous accompagne sur le trottoir opposé et filme la scène. J’en profite pour accélérer – modestement – l’allure. C’est sans incident que se termine la promenade. « C... se précipite à l’Assemblée Nationale voisine et revient avec Verret, chef de cabinet de Mitterrand et Delanoë, conseiller PS de Paris et les négociations reprennent avec les sous-fifres baraqués d’Haby » – L’Aurore du 10 juin 1977. |
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Pour moi, la journée est terminée… ou presque. J’apprendrai plus tard, toujours
par L’Aurore, que Frédéric C..., conduit à Laennec puis à Corentin-Celton était
dans le “coma”. Qu’un communiqué avait été lu aux lycéens d’Henri IV les engageant
à faire grève. Puis un démenti du même journal posant la question « Pourquoi
certains collègues de Frédéric C... ont-ils fait croire qu’il était dans le coma le 10
juin alors que Corentin-Celton affirmait le contraire ? Les syndicats ont voulu
faire de lui un martyr. ». Pour moi, le 19 octobre 1977 sera ma troisième “consultation” à l’IGs. Le
contact est beaucoup plus nuancé que pour le boucher syndicaliste des Halles. Question
de personne sans doute ; mon interlocuteur est, non seulement courtois, mais je Il ne me reste plus qu’à rappeler les dates des suites judiciaires. Heureusement
que j’ai gardé, et retrouvé les archives ! Rideau sur le théâtre Haby et passons à la quatrième et dernière comparution,
qui serait en fait la deuxième si j’avais respecté l’ordre chronologique. J’avais prévenu
qu’il y aurait de l’embrouille dans mes souvenirs ! Pour celui-ci, d’ailleurs, il ne
s’agit même pas de l'IGS, mais de l’échelon inférieur, le contrôle PM (police municipale,
appellation de l’époque, bien sûr). L’IGs traite des affaires susceptibles de suites
judiciaires, le CPM de la discipline administrative. il peut toutefois être aussi l’antichambre
de l’IGs. |
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